Tiphaine Calmettes, Claire Fontaine, Bertrand Gadenne, Mercedes Klausner, Antonia Low, Société Volatile, Thierry Verbeke, Lawrence Weiner.
Au couvent des clarisses, La promesse d’une autre rive unit mystère et songe entre profondeur du langage, fugacité de la lumière et rapports ténus au monde qui nous entoure.
Cette exposition collective qui mêle une œuvre de Mercedes Klausner, artiste invitée par l’espace croisé résidant sur place et des œuvres issues de la collection du Frac Grand Large, nous propose de traverser cet ensemble monastique chargé d’histoire et d’éprouver le lieu quand vient la nuit.
Sur le seuil, entre monde ouvert et milieu clos, l’œuvre de Lawrence Weiner délimite l’entrée du couvent en prolongeant la notion de limite, de ligne imaginaire qui sépare et réunit à la fois. Dans cet espace transitoire où le lieu de visite cesse pour laisser place au territoire privé des sœurs, l’œuvre dilate le lieu et déploie un passage d’un lieu, d’un temps et d’un état à l’autre. Visible de l’extérieur, au mur de la véranda, l’enseigne lumineuse Please God Make Tomorrow Better de Claire Fontaine marque un aveu d’impuissance. Une invocation d’une puissance supérieure qui peut être interprétée différemment selon le lieu où elle est présentée. Attenante à la chapelle du couvent, elle suggère un point de bascule qui semble échapper aux réalités humaines. Aux confins du visible et de l’invisible, de nouvelles potentialités se révèlent, où les œuvres lumineuses provoquent des pertes de repères. Dans l’alcôve du cloître, un amas de fils et de câbles se répand du plafond sur le sol. La lumière provenant des ampoules confère à cette œuvre d’Antonia Low une aura mystérieuse et magique en transformant l’espace en matière. Suspendue aux voûtes du cloître, l’installation immersive de Mercedes Klausner projette la silhouette de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik qui apparaît comme une réminiscence. Avec Respirer la nuit, l’artiste lui rend hommage à travers le langage, le corps, le silence et la nuit, dans un geste poétique, fragile et persistant. Dans les profondeurs de la nuit, la lumière se fait jour et l’espoir se glisse dans les interstices. Dans un univers traversé de précieuses lueurs, porteuses de liberté, la fragilité se manifeste entre résistance au passé et affirmation d’un présent capable d’affronter l’avenir.
L’AVENIR de Thierry Verbeke est posé sur le sol. Au premier étage, dans l’une des anciennes cellules d’étude des Clarisses, la vidéo L’avenir nous appartient, nous conte le parcours de cette ancienne enseigne aux lettres détériorées et l’histoire du local syndical de Dunkerque d’où elle est issue. Cet univers revisité par la poésie et par l’absurde est également au cœur de la vidéo Pégase de la Société Volatile dans laquelle un âne photovoltaïque traverse les frontières pour alimenter les voyageurs en électricité solaire.
Au détours d’un couloir, un rat blanc aux proportions démultipliées grossit à vue d’oeil. Avec cette vidéo, Bertrand Gadenne explore les ressorts de l’illusion. Dans l’obscurité silencieuse, l’espace-temps est manipulé pour introduire un doute sur notre propre présence.
Au sein du jardin d’agrément du couvent, en face de l’ancienne fabrique d’hosties, une sculpture en béton aux formes architecturales modernistes, est recouverte de mousse et de lichens. Tiphaine Calmettes s’est intéressée aux plantes rudérales comestibles et médicinales pour proposer une œuvre évolutive qui engendre de nouveaux modes de coexistence entre les éléments.
La vulnérabilité et la force de résilience de la nature et des êtres vivants prennent place dans cet espace voué à l’autarcie. Dans l’épaisseur du réel, les éléments dévoilés nous confrontent à une expérience sensorielle où notre corps tout entier est mobilisé.
En frôlant l’étrangeté et l’absurdité du monde, les œuvres nous invitent à repenser notre être-au-monde et à ce que la nuit peut nous offrir dans une promesse.
Doriane Spiteri